La Massue... Une ligne aussi attirante qu'intimidante, un nom évocateur et un jalon dans l'Histoire de la cascade de glace! Un des deux premiers grade 7 ouvert par François Damilano et Philippe Pibarot le 6 janvier 1992, le même jour que la cascade de la Lyre par Wilfried Colonna, Denis Condevaux et Thierry Renault. Un rêve que je ne pensais pas être capable de réaliser un jour...
Sixt Fer à Cheval - Cascade de la Massue
Cet hiver 2022-2023 est décidément plein de surprises, après un départ plutôt prometteur le long redoux de ce début d'année a mis à mal beaucoup de projets. Nous poussant à reprendre de l'altitude pour aller explorer des lignes mixtes, la motte et les coincements de lames sont une valeur sûre!!
Il y a tout juste une semaine, alors en pleine seconde journée d'ouverture de quelque chose d'absurde avec Sylvain j'apprends que Tré la Chaume vient de se faire la belle... Mince, c'était le projet du lendemain. Alors en train de tirer un rappel l'infatigable Jean-Luc m'envoie un message me disant qu'avec Catherine ils viennent de gravir la Massue! Sur le moment j'avoue être un poil perplexe, beaucoup de structures se sont effondrées avec le retour du froid alors pourquoi pas cette ligne? Pas encore de retour à la voiture (à la lueur de la frontale) le rdv est pris pour le lendemain matin avec Corentin, plan B, allons voir nous aviserons sur place. Il y a des occasions à ne pas manquer et celle-ci en fait partie, je dormirai plus tard.
Nous nous retrouvons donc le lendemain matin du côté de Chambéry afin de faire voiture commune, Corentin me fait part de sa nuit pas top, quant à moi je n'ai pas beaucoup dormi mais très très bien. Pas de place pour cogiter et de toute façon nous allons voir, si ça nous semble jouable on tente, si l'un de nous ne veut pas y aller on se casse. Aucune obligation, simplement rentrer entiers et passer une belle journée en montagne entre copains!
Du parking la ligne est visible, déjà elle est toujours debout! Les températures sont acceptables (-9° dans le trou au parking, -5° au pied de la ligne plutôt constant sur la journée) et nous remontons tranquillement en direction de la cascade, merci Jean-Luc et Catherine pour la trace, les infos et le nettoyage! L'approche ne nous prendra pas bien longtemps et nous voici au pied de l'objectif tant de fois rêvé.
Rarement je ne me suis posé autant de questions au pied d'un gros glaçon, ici on se sent tout petit, écrasé par cette masse qui nous domine et sur laquelle nous nous apprêtons à grimper. Néanmoins les conditions nous semblent favorables, les températures sont stables, la glace est vraiment plus sculptée que sur certaines photos que j'ai pu voir, le passage des copains la veille aussi quelque part me rassure. Cette saison avec Corentin nous avons beaucoup grimpé et l'un comme l'autre nous sommes entraînés, car une chose est sûre je ne m'aventurerais pas ici sans connaître mon partenaire et que l'on soit devant ou derrière il va falloir être capable de grimper en toute délicatesse.
Corentin commence par une première longueur de glace tranquille, idéale pour reprendre les sensations jusqu'au pied de l'énorme socle du premier tube, l'esthétisme de cette ligne est incroyable!
A mon tour, je me rapproche de la base du tube, celui-ci est fendu sur 2 bons cm... Une fissure au pied de ce genre de chose n'est généralement pas bon signe. Je me sens capable de grimper sans donner un seul coup de piolet, d'autant plus qu'un free-standing sur la gauche permet de se mettre assez rapidement en écart, cadeau. Ma décision est prise, j'y vais. L'escalade est splendide, tout mes doutes se sont envolés, je me sens bien, profite de ce moment et une seule chose compte : grimper délicatement. En milieu de longueur un gros craquement se fait entendre, Jean-Luc m'avait prévenu, ce truc là est vivant, je me reconcentre et termine sous les surplombs de cette longueur d'anthologie. Les énormes méduses bien qu'impressionnantes se passent assez facilement par la gauche avant de faire relais sur la glace, et de UNE! Je tire la corde des broches et Corentin me rejoint.
Second tube, bien plus sculpté que ce que j'ai pu voir en photo, lui aussi présente une fine fissure à sa base. A l'intérieur on peut voir l'eau s'écouler, quelle étrange sensation que de grimper là-dessus... Corentin est motivé, c'est parti pour une escalade tout en placements et une fois de plus pratiquement sans un seul coup de piolet. C'est raide, suspendu et au cas où nous n'aurions pas compris la notion d'engagement ici elle prend tout son sens, je pense qu'être à l'assurage est encore plus angoissant que de grimper, d'autant plus que le tube du dessous continue sa douce mélodie!
Une fois la glace collée au rocher Corentin fait un relais et manip identique à la longueur précédente nous sortons la corde des broches, peut-être cela nous laissera-t-il une chance si le gros glaçon décidait de se faire attirer par la gravité. L'escalade comme prévue est technique et physique sur le haut, heureusement qu'il y a du relief pour quelque peu atténuer la raideur.
Une fois au relais je continue sur de la glace raide avec une ambiance de malade, les méduses rendent les tubes invisibles, je me sens totalement en lévitation et puis soudain la pente se calme et je fais un ultime relais. A ce moment là il faut avouer que l'émotion (accompagnée d'une baisse de concentration) a pris le dessus, quelle ligne!! Peu de temps après nous voici tous les deux au sommet, mythique! Heureux d'avoir mené à bien ce projet où chaque moment comporte une part non négligeable d'incertitude.
Les rappels sont monstres raides! Mieux vaut les faire après avoir grimpé qu'avant sous peine de prendre peur et de ne jamais y aller. Un dernier coup d'œil en arrière et direction la voiture en mode express avant d'aller remercier et féliciter nos prédécesseurs Jean-Luc et Catherine, rejoints par Nico et Antoine.
A l'heure où les réseaux sociaux, médias... poussent à faire dans le sensationnel il serait facile de basculer et de se laisser influencer pour avoir LA photo qui va faire le tour de la toile... Ce qui assurément serait une grosse erreur sur ce genre de structure. En aucun cas je ne me considère comme meilleur qu'un autre, j'ai encore beaucoup à apprendre et jusqu'à présent il y a eu une part de chance à n'en pas douter. Le tout étant d'essayer de ne pas reproduire ses erreurs et apprendre de celles des autres. N'oubliez pas que tout cela ne reste qu'un jeu!
Le principal est de passer une belle journée entre copains, peu importe si nous sortons au sommet ou pas et depuis ce début d'hiver nous avons vécu un paquet d'aventures!!
Un grand merci à tous ceux avec qui je partage régulièrement la corde (amis, clients) et qui acceptent de me suivre dans des lignes sorties de nulle part avec bien souvent une longue approche et un retour quasi systématique à la frontale! Certains maintenant se méfient (ils se reconnaitrons!)!
